Type de texte | source |
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Titre | L’Erreur combatuë. Discours académique où il est curieusement prouvé, que le monde ne va point de mal en pis |
Auteurs | Rampalle, Daniel de |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1641 |
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, p. 137-139
Il est impossible que le coloris d’Apelle que Pline met hors de comparaison, fut plus excellent, ny plus vif que celuy du Corregio, que les plus habiles trouvent inimitable ; son pourtrait d’Alexandre tenant à la main une foudre qui sembloit sortir du tableau, n’avoit rien qu’on ne trouve aux merveilleux ouvrages de Raphaël d’Urbin dans le palais du pape. Et si cet ancien prince des peintres, eut veu dans la sale Clementine des figures humaines toutes droites dans le concave de la voûte, sans estre rapetissées par la situation, ny estropiées à cause du racourcissement ; s’il eut veu ces galleries peintes avec un ordre de colomnes, qui par une tromperie de la perspective incognue à l’Antiquité, finissent en des païsages, et des esloignemens qui déçoivent la veüe ; s’il est veu les couronnes, les cercles d’or, les globes, et les estoilles peintes sur les murailles avec tant d’artifice, que les plus entendus estant surpris s’imaginent à tous momens qu’elles tombent ; avec combien plus de raison auroit il tesmoigné l’estonnement qu’il fit paroistre à la veüe de cette ligne fameuse, que Protogenes enfila dans la sienne ?
Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)
, p. 134
Les foudres, les esclairs, et les rayons du soleil qu’Apelle peignoit comme des choses impossibles, sont figurez sans peine par les plus médiocres du temps present ; cet Apollodorus qui est si vanté pour avoir fait le premier des portraits après le naturel, mettroit auiourd’huy son pinceau aux pieds de l’excellente Lavinia romaine, et du célèbre du Moustier, qui en trois coups de crayon trouve la ressemblance des visages les plus difficiles à peindre, et les achève si parfaitement, que la seule parole en fait la différence.
Dans :Apelle et l’irreprésentable(Lien)
, p. 133-134
Quant à la Peinture et à la Satuaire, quelque réputation qu’ayent eu ces fameux ouvriers de la Grèce, nos modernes ne leur sont point inférieurs en la perfection de cet art. La Minerve d’Amulius qui passa si long-temps pour merveilleuse à cause qu’elle sembloit arrester les yeux sur ces spectateurs de quelque costé qu’on la regardast, si elle n’avoit point d’autre beauté, seroit auioud’huy un ouvrage fort commun. Les testes de Polygnotus à bouche ouverte, dont les dents paroissoient. Les foudres, les esclairs, et les rayons du soleil qu’Apelle peignoit comme des choses impossibles, sont figurez sans peine par les plus médiocres du temps present ; cet Apollodorus qui est si vanté pour avoir fair le premier des portraits après le naturel, mettroit auiourd’huy son pinceau aux pieds de l’excellente Lavinia romaine, et du célèbre du Moustier, qui en trois coups de crayon trouve la ressemblance des visages les plus difficiles à peindre, et les achève si parfaitement, que la seule parole en fait la différence. Parrhasius fut estimé sans pareil en la naifve expression des plus petites choses. Mais quelle main a peu iamais esgaller en ce point celle d’Albert Durer, dont les miniatures sont gardées comme autant de merveilles dans la bibliothèque du Vatican ? Il est impossible que le coloris d’Apelle que Pline met hors de comparaison, fut plus excellent, ny plus vif que celuy du Corregio, que les plus habiles trouvent inimitable ; son pourtrait d’Alexandre tenant à la main une foudre qui sembloit sortir du tableau, n’avoit rien qu’on ne trouve aux merveilleux ouvrages de Raphaël d’Urbin dans le palais du pape. Et si cet ancien prince des peintres, eut veu dans la sale Clementine des figures humaines toutes droites dans le concave de la voûte, sans estre rapetissées par la situation, ny estropiées à cause du racourcissement ; s’il eut veu ces galleries peintes avec un ordre de colomnes, qui par une tromperie de la perspective incognue à l’Antiquité, finissent en des païsages, et des esloignemens qui déçoivent la veüe ; s’il eut veu les couronnes, les cercles d’or, les globes, et les estoilles peintes sur les murailles avec tant d’artifice, que les plus entendus estant surpris s’imaginent à tous momens qu’elles tombent ; avec combien plus de raison auroit-il tesmoigné l’estonnement qu’il fit paroistre à la veüe de cette ligne fameuse, que Protogenes enfila dans la sienne ? Les raisins, et les fruits de la main du Gobe, ou de la Moilon, tromperoient aussi bien les oyseaux, que celuy de Zeuxis, si ce qu’on en dit ne tenoit de la fable grecque : de mesme que le conte de la perdrix de Parrhasius qu’il peignit sur une colonne ; ie ne sçay si ce fut avec tant de succez : mais pour le moins c’estoit avec bien peu de iugement, de la percher en un lieu, où les naturelles ne se posent iamais ; i’aimerois aussitost peindre une cane sur un arbre, ou une poule dans la mer. Et iamais le Bassan qui estoit incomparable en la peinture des animaux, n’eût commis des fautes de cette nature. Timante fut sans doute plus iudicieux, non seulement quand il couvrit le visage du père d’Iphigénie pour figurer sa douleur au delà des forces du pinceau, mais aussi lorsque pour exprimer la grandeur d’un cyclope qu’il avoit mis dans un petit quadre, il peignit un satyre qui de son thyrse lui mesuroit un doigt ; et toutesfois nos moindres peintres, usent d’un pareil artifice, lors que pour figurer de grosses balenes dans un petit tableau, ils font tout autour des pescheurs qui montent dessus avec des eschelles. Il est vray que Zeuxis est renommé pour avoir sçeu le premier animer ses peintures, et figurer les passions de l’âme sur le visage. Le portrait qu’il fit de Pénélope est encore célèbre, où Pline dit que mesme il avoit exprimé ses mœurs. Mais il n’est pas possible que son pinceau fust en ce point comparable à celuy du Titian, du Parmesan, et de Michel-Ange. On voit un Sauveur de la main du premier, dont le visage et l’action tesmoignent ie ne sçay quoi de divin, et de surnaturel, que le plus impie ne sçauroit regarder sans respect, et sans vénération. Toutes les Vierges du Parmesan font paroistre parmy la grâce et la beauté une pudeur, et une humilité nompareille. Mais qui pourroit parler assez dignement des precieux ouvrages de Michel-Ange ? Toutes ses peintures sont animées, et son tableau du Iugement [[1:En la chapelle de Sixte]] auroit pû servir de modèle, aux plus excellents esprits de l’Antiquité. Ce grand nombre de figures nuës, toutes avec une posture, et une action différente, eust estonné le plus inventif de tous les peintres de la Grèce. Mais outre leur admirable diversité, l’effroy, le tremblement, l’horreur y sont exprimés si naturellement, que bien loin de ne surpasser pas les Anciens, on tient que l’Art mesme en est surmonté.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 144-145
I’ay parlé en dernier lieu de ce Prince des Peintres, pource qu’il est encore célèbre en la Sculpture, et que les Statuës de sa façon, ou du Bandinelli, du Pilon, et du Cavalier Bernin, pourroient bien estre comparées à celles de Phidias, de Polyclète, de Myron, et de Léocarès. Il est vray que cet Art n’est pas du tout en si haute estime qu’il estoit iadis chez les Romains, dont la passion avoit rempli la Ville d’un si grand nombre de Statues, qu’au rapport de Cassiodore, il n’estoit guère moindre que celuy de ses habitans. Mais pour vous faire voir en un mot que les modernes en ont attaint la perfection, comme les Anciens, si la Iunon de Ctésiclès rendit iadis Clisophon éprits de son amour ; si l’on vid dans Cypre un ieune homme idolâtre de la Vénus de Praxitélès, et si dans Athènes un austre estourdy se tua de pure passion devant une statue de la bonne Fortune. De nostre temps on a esté contraint à Rome de couvrir d’une chemise de bronze une statue de la main d’un moderne, [[1:La Porte Milanois]] pour la garantir de l’aveugle sensualité d’un Espagnol.
Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)
, p. 140-141
Timante fut sans doute plus iudicieux, non seulement quand il couvrit le visage du père d’Iphigénie pour figurer sa douleur au delà des forces du pinceau, mais aussi lorsque pour exprimer la grandeur d’un cyclope qu’il avoit mis dans un petit quadre, il peignit un satyre qui de son thyrse lui mesuroit un doigt ; et toutesfois nos moindres peintres, usent d’un pareil artifice, lors que pour figurer de grosses balenes dans un petit tableau, ils font tout autour des pescheurs qui montent dessus avec des eschelles.
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)
, p. 139
Les raisins, et les fruits de la main du Gobe, ou de la Moilon, tromperoient aussi bien les oyseaux, que celuy de Zeuxis, si ce qu’on en dit ne tenoit de la fable grecque : de mesme que le conte de la perdrix de Parrhasius qu’il peignit sur une colonne ; ie ne sçay si ce fut avec tant de succez : mais pour le moins c’estoit avec bien peu de iugement, de la percher en un lieu, où les naturelles ne se posent iamais ; i’aimerois aussitost peindre une cane sur un arbre, ou une poule dans la mer. Et iamais le Bassan qui estoit incomparable en la peinture des animaux, n’eût commis des fautes de cette nature.
Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)